Défaut d’information ne rime pas avec résiliation
La Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence qui a permis à la copreneuse de poursuivre le bail.
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L’histoire
Anne avait donné à bail à Marc et à son épouse Olivia, en qualité de copreneurs, diverses parcelles de terre en nature de labour. Après de nombreuses années, Marc avait décidé de faire valoir ses droits à la retraite. Aussi, Olivia avait-elle poursuivi, seule, l’exploitation des biens loués.
Le contentieux
Reprochant à Olivia de ne pas avoir demandé la poursuite du bail à son seul nom, alors que Marc avait cessé de participer à l’exploitation des parcelles louées, Anne avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail.
Anne estimait avoir le droit pour elle. Selon l’article L. 411-35 alinéa 3 du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014 d’orientation pour l’agriculture, lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, que le bail se poursuive à son seul nom. Et l’article L. 411-31, II, 1° précise que le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l’article L. 411-35.
La jurisprudence bien établie, dont nous avions rendu compte dans des précédentes chroniques, avait alors posé en principe que le défaut d’accomplissement de l’obligation d’information du propriétaire, en cas de cessation d’activité de l’un des copreneurs, constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation de l’article L. 411-35.
Les juges avaient pourtant écarté la demande d’Anne. Pour eux, seul le défaut de toute participation du copreneur à l’exploitation du bien loué impose au copreneur restant de solliciter l’autorisation du bailleur pour poursuivre le bail à son seul nom. Or, il n’était pas contesté que Marc avait continué à participer à l’exploitation des biens affermés, par le biais d’une entraide agricole avec son épouse, cotitulaire du bail restée seule exploitante des biens loués.
Saisie par Anne, la Cour de cassation a rejeté son recours en opérant un revirement de jurisprudence. Elle a posé en principe que « la formalité prévue par l’article L. 411-35 alinéa 3 a pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder dans les conditions de l’article L. 411-35 ». Ce texte ne crée donc pour le copreneur resté en activité qu’une simple faculté dont le non-usage ne constitue pas une infraction de nature à permettre la résiliation du bail.
L’épilogue
Anne a sauvé son bail. Elle devra comprendre que si elle envisage de céder le bail à un descendant, sa demande pourrait être écartée. La cessation de la participation à l’exploitation du bien loué par l’un des copreneurs est de nature à faire obstacle à la cession du bail.
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